Le monde juridique connaît un changement lié à l’émergence d’une nouvelle pratique pour résoudre les différends. Elle met en question l’ancien vocabulaire de la gestion des conflits. L’autorité judiciaire affirmée comme “gardienne de la liberté individuelle” et l’arbitrage perdent de leur prééminence au profit de la médiation. Un nouveau paradigme côtoie désormais celui du contrat social. Il est axé sur la reconnaissance des limites individuelles et l’entente sociale.
Il faut bien le constater, même si cela semble audacieux, l’esprit des Lumières n’a plus la même force d’éclairage. Maintenant, ces deux représentations se côtoient pour augmenter l’exercice de la liberté.
La profession d’avocat connaît une évolution culturelle qui demande une adaptation. Elle doit reprendre l’œuvre des fondateurs de la ligue des Droits de l’Homme suivant les principes laïques et rationalistes. Au lieu de se limiter à la défense des intérêts individuels, elle peut s’approprier et promouvoir les relations d’altérité.
Un avocat interpelle un médiateur professionnel et lui dit :
Les médiateurs et les avocats font un travail similaire. De la médiation, la profession d’avocat en fait depuis longtemps.
Nous intercédons, négocions, plaidons, nous clarifions en termes de droits et d’obligations et échangeons des conclusions dans le respect du contradictoire. Nous écoutons les doléances et faisons cas des plaintes des personnes. Nous repérons les écarts entre légalité et illégalité. Nous évaluons notre capacité d’intervention. Nous présentons nos préconisations et les mettons en pratique. Nous valorisons ce qui est moralement acceptable afin d’éviter une interprétation trop subjective de la loi.
Certes, quand la mauvaise foi s’en mêle, nous engageons des procédures pour que l’affaire soit tranchée par un autre tiers, le juge ou l’arbitre. Mais notre médiation est indéniable. Pour conclure, nous faisons en sorte que nos clients gagnent. C’est bien le but de toute médiation réussie, faire du “gagnant-gagnant”. La profession de médiateur vient s’asseoir sur un banc déjà occupé, c’est une activité, pas une profession à part entière.
Le médiateur professionnel répond :
Être tiers est suffisant pour assurer un rôle de médiateur. Toutefois, il y a confusion de posture avec le négociateur et le conciliateur. Ainsi, la profession de médiateur a créé son propre siège, partagé avec ceux qui en éprouvent l’intérêt. De plus, le recours au judiciaire est privatif de l’exercice de la liberté de choisir et de décider. In fine, lorsqu’une négociation est engagée, c’est sur les enjeux et les intérêts, pas sur le projet relationnel, qui pourrait reprendre, s’aménager ou se rompre de manière consensuelle. Ainsi, le médiateur professionnel, et j’insiste sur “professionnel”, est différent. Il se distingue par une approche relationnelle plutôt que sur un aspect de droit ; ce n’est pas le même prisme ni la même manière d’intervenir. Pour un médiateur professionnel, le conflit n’est pas juridique et les enjeux ne sont pas une cause réelle.
Avec la pratique traditionnelle du droit, c’est la primauté du Contrat Social, contenant l’assertion que nul n’est censé ignorer la loi. Pour la profession de médiateur, le paradigme est l’entente, fondatrice de toute relation ; elle reconnaît à chacun son ignorance, sa maladresse et ses relations confusionnelles typiques de ce qui est l’humanité.
Le médiateur professionnel ne prend pas parti, ne se substitue à personne et n’interprète pas la loi. Sa méthode repose sur la maîtrise des techniques d’altérité et du référentiel de la qualité relationnelle. Ces principes fondent le métier de médiateur professionnel.
Nous partageons le même objectif : aider les personnes. Cependant, la pratique de la médiation professionnelle se fonde sur un référentiel transversal. Les techniques de qualité relationnelle sont efficaces dans tous les domaines : pédagogie, vie quotidienne, management et résolution des différends. En plus d’être utiles, les résultats sont plus satisfaisants que les jugements d’un tribunal. Ils apportent la garantie essentielle de l’exercice de la liberté de décision.
Maintenant, les professions évoluent et la diversification s’impose. La profession de médiateur s’est affirmée, et des avocats soucieux de performance se distinguent en intégrant les compétences de l’ingénierie relationnelle pour diversifier leur offre de services et contribuer de manière significative à la résolution des conflits dans notre société.